CINQ HAÏKAÏ (1997-2001)

 

Pour piano
D'après les poètes japonais Keiko, Buson,
Morikava, Toshimi et Shôu

 

à Thierry Ravassard

Durée : 8 minutes
Editions Durand, Paris

  1. 1. Printemps (1999) (1')
    [ Comme un feu qui crépite,
    la neige fond sur la rivière ]
    (Keiko)
  2. 2. Été (1997) (1'30)
    [ Fraîcheur, le son de la cloche
    quand il quitte la cloche ]
    (Buson)
  3. 3. Automne (2000) (1')
    [ Vent d'automne,
    même les houles se font plus petites ]
    (Morikawa)
  4. 4. Hiver (2000) (2'30)
    [ Flocons scintillants,
    le vent brise le clair de lune gelé ]
    (Toshimi)
  5. 5. Nouvel An (2001) (2')
    [ Premier rêve de l'année je t'ai gardé secret.
    Seul, j'ai souri ]
    (Shôu)

La composition de cette œuvre fait suite à la proposition que me fit en 1997 le pianiste Thierry Ravassard ; il s'agissait d'écrire une page très courte d'après un haïku choisi dans le recueil intitulé <Le parfum de la lune>, du poète japonais Buson .
La pièce choisie <Été>, fut donnée dans un concert-spectacle dont il était l'initiateur et qui s'intégrait, à Paris, au Festival <Présences> de Radio France.

 

Vingt compositeurs participaient à cette œuvre musicale collective. Pendant l'exécution, le calligraphe japonais Shingaï Tanaka dessinait spontanément sur toile des idéogrammes, filmés et projetés à travers un tulle sur un élément de décor (mise en scène de Jean-Philippe Amy et lumières de Bruno Sourbier).

 

À la suite de cette exécution et au fil des années se sont donc rajoutés quatre autres haïku constituant ainsi le cycle des cinq saisons japonaises. Comme on le sait, dans la tradition japonaise, le Nouvel an est comme une cinquième saison qui termine le cycle printemps, été, automne, hiver.
J'ai choisi plusieurs poètes japonais parmi les plus connus : Keiko pour le Printemps, Buson pour l'Été, Morikawa pour l'Automne, Toshimi pour l'Hiver, enfin Shôu pour le Nouvel an.

 

Ces <instantanés musicaux> font écho à la lecture des haïku s'inscrivant ainsi dans l'ancestrale poétique japonaise du geste et de l'écriture. Le texte donne l'idée d'une thématique qui est jetée sur le papier pour une durée éphémère de une à deux minutes. Le développement de cette idée est donc extrêmement court afin de laisser à l'auditeur l'impression que laisse le texte à sa lecture.

 

Printemps < Comme un feu qui crépite, la neige fond sur la rivière>. L'idée, paradoxale, de "la neige qui fond comme un feu qui crépite", se réalise en mélangeant rapidité, fluidité et douceur. Une musique linéaire extrêmement vivace, mais d'une douceur extrême. Elle se ralentira un moment, le temps de trouver un paroxysme, pour revenir à son instant premier.

 

Été < Fraîcheur, le son de la cloche quand il quitte la cloche>. Une onde sonore se propage dans la fraîcheur. J'imagine un énorme son de cloche qui se perd dans la nature et dont on ne perçoit peu à peu que les harmoniques aigues. Mais il me semble plus intéressant d'inverser "l'onde sonore" ce qui procure une sensation de fraîcheur. Et peu à peu, on se rapproche du son de cloche initial. L'élément contrapuntique du début se transforme en élément harmonique vers la fin de la pièce.

 

Automne <Vent d'automne, même les houles se font plus petites>. Fragments linéaires ascendants et descendants, comme des courants qui s'intensifient, se raréfient ou restent en suspension. Il n'y a pas de véritable éclatement.

 

Hiver <Flocons scintillants, le vent brise le clair de lune gelé>. L'image est trop forte et également paradoxale. L'aspect "gelé" me semble primordial, ainsi que le côté "clair de lune". Accords clairs, tempo de glace, lent à l'extrême, comme pour figer. On ne peut qu'imaginer les flocons qui scintillent dans le vent.

 

Nouvel an <Premier rêve de l'année je t'ai gardé secret. Seul j'ai souri>. Mon rêve, je le garde secret. Et pour cela, je l'imagine, dans son intériorité, au moyen d'une accumulation harmonique sonore et d'intensité progressive de plus en plus pesante. À la toute fin, comme une fusée d'artifice qui retombe, le rêve se brise. Sept notes pour laisser percer un sourire.

[ Yves Prin ]

  • Création mondiale
    d'<Été> : le 08.02.1998
    à Paris, Festival Présences de Radio France
    par Thierry Ravassard, à l'occasion du spectacle
    <Le Parfum de la Lune> Haïku/Musique idéogramme
    de <Printemps> : le 12.12.1999
    à Tokyo
    par Thierry Ravassard
    d'<Automne> : le 29.07.2001
    au Festival de Verbier (Suisse), Festivalino
    par Caroline Haffner
    d'<Hiver> : le 29.07.2001
    au Festival de Verbier (Suisse), Festivalino
    par Caroline Haffner
    de l'intégrale : le 05.10.2004
    à Kyoto (Japon), Institut Français du Kansaï,
    par Thierry Ravassard
  • Création espagnole : le 18.07.2009
    à Palencia (Castille), Cloître de la Cathédrale,
    Festival MeloRitmos
    par Jean-Pierre Dupuy