LES ÉMOTIONS PASSAGÈRES (2004)

 

Quatre mélodies pour soprano & piano
Sur des poèmes de Paul Claudel

 

Tirées du rituel <Claudel répond les psaumes>

 

à Mélody Louledjian

Durée : ~ 14 minutes
Inédit

  1. 1. La Musique (4')
  2. 2. La Fleur bleue (4')
  3. 3. Dissipabitur capparis (1'30)
  4. 4. Le Cygne (4'30)

Ces mélodies dédiées à la jeune soprano Mélody Louledjian sont tirées du rituel <Claudel répond les psaumes> créé en juin 2005 aux Rencontres de Brangues…

[ Yves Prin ]

»» Ces mélodies sont tirées du rituel
<Claudel répond les psaumes>
pour 1 comédienne, 1 soprano & ensemble instrumental
>>

  • Non créé

I. La Musique

L’acacia ruisselle de lait et la lune fait des siennes au dehors
Partons ! on nous a donné rendez-vous sur un lac d’or

À la recherche de ce rêve depuis hier dont seul un certain accord de rondes est resté
Sur une embarcation de croches qu’une larme suffit à lester

Il a suffi de faire silence et quelqu’un chante sur la mer
Confusément escorté par la flûte et le dulcimer

C’est à nous de dégager cette longue phrase là-bas qui n’arrive pas à aboutir
C’est à nous de dégager ce reproche qui s’est liquéfié en un soupir


[Château de Brangues [29] février 1944]

II. La Fleur bleue  

Toute pure comme le ciel,
Ardente comme le feu,
Je te donne le nom : Claudel !
Enorme torche bleue !

La grande fleur bleue dit : N’ai-je
Pas réussi à sortir
Du jour et du plus noir saphir
Ce feu plus pur que la neige ?

Dans le clair matin de Dieu
La grande fleur a frissonné
De la gloire d’être née,
De l’ivresse d’être bleue !

Si jamais Dieu s’ennuyait,
Qu’il te regarde, créature
Aussi fraîche que le lait,
Enorme épi de millet,
Folle fille de juillet,
Madrépore de l’azur !

Ce parfum, qu’il est puissant !
Cette rose, qu’elle est belle !
La rose imprégnée de sang !
Moi, je suis imprégné de ciel.

L’été parmi les haillons
Des chèvrefeuilles et des roses
Pleins de rires et de rayons
A mains prodigues sur les choses
Éparpille les papillons.

[Juillet 1932]

III. Dissipabitur capparis

Le temps a fui
Mars est fini
Tu n’es plus jeune, mais vieux.
- Tant pis, dit-il, et tant mieux !

Mars est fini
Novembre aussi
Où sont tes jambes et tes yeux ?
- Tant pis, dit-il, et tant mieux !

Fini l’amour !
Pauvre vieux sourd !
Finis, les fêtes et les jeux !
-Tant pis, dit-il, et tant mieux !

La route est dure
La mort est sûre
Chaque tournant est dangereux.
-Tant pis, dit-il, et tant mieux !

Le temps a fui
Tout est fini –
Il reste Dieu !
- Tant pis, dit-il, et tant mieux !

[31 mai 1935]

IV. Le Cygne  

Le signe lent
Du cygne blanc
A fait onduler le vide
Tout l’étang
Plein de temps
Se mêle à l’ange liquide

Sous la lance
Du silence
Frissonne le lourd miroir
C’est l’ennui
Plein de pluie
De la nuit
Qu’exhale ce prêtre noir

Feuille à feuille
Une feuille
Touche la surface morte
Œ il à œil
L’eau recueille
L’étoile au ciel qui l’exhorte

Cette haleine
Née à peine
Sur l’onde ou l’oiseau se mire
Cette touche
Sur la bouche
D’une bouche qui expire

C’est un rêve
Qui s’achève
Une larme dans un soupir
C’est le pli
Qu’on oublie
D’une vie qui va finir.

[New York, 25 juin 1932]